Parc national de Miguasha

par Charest, France

Vue aérienne du musée d'histoire naturelle de Miguasha, de la falaise et de l'estuaire de la rivière Ristigouche

Le parc national de Miguasha est l'un des sites fossilifères les plus prestigieux au monde. Des milliers de fossiles de poissons, de plantes et d'invertébrés, vieux de 380 millions d'années, y ont été découverts à ce jour. L'UNESCO a d'ailleurs inscrit ce site naturel gaspésien sur la liste du Patrimoine mondial le 4 décembre 1999. Toutefois, bien avant de devenir un joyau mondial, ce site a longtemps fait partie du quotidien de certains habitants de Miguasha qui collectionnaient les fossiles. Ces gens ont d'ailleurs été de précieux collaborateurs des scientifiques qui débarquèrent au tournant du XXe siècle. L'intérêt des scientifiques est toujours d'actualité et de nouveaux spécimens sont encore collectés dans la célèbre falaise par l'équipe de recherche du parc. Certains de ces fabuleux fossiles sont d'ailleurs présentés dans l'exposition permanente du musée d'histoire naturelle de Miguasha qui est situé sur le site même de leur découverte!


 


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Le musée d'histoire naturelle de Miguasha

Coup d'oeil sur l'exposition permanente du musée, «De l'eau à la terre», qui présente les plus beaux spécimens de la collection

Peu de sites fossilifères ont la chance d'exposer leurs vedettes dans un musée situé sur le lieu même de leur découverte. En effet, à quelques dizaines de mètres de la falaise fossilifère, le musée d'histoire naturelle de Miguasha permet aux visiteurs de mieux connaître les fossiles, l'histoire de leur découverte et de leur mise en collection, tout en s'initiant aux recherches scientifiques effectuées sur ces fossiles.

Le cœur de ce musée, qui a été agrandi et rénové en 2002 et 2003, est la salle d'exposition où l'on met en valeur le patrimoine fossilifère dans une exposition modulaire qui permet sa mise à jour par ajouts et modifications, afin de rendre compte de la recherche qui se poursuit sur le site. Les nouvelles découvertes sont donc rapidement partagées avec les visiteurs. L'exposition comporte diverses sections portant sur le paléoenvironnement de Miguasha, le processus de fossilisation, l'histoire humaine du site, les travaux de recherche, et bien sûr, les différentes espèces fossiles qui vivaient à cet endroit il y a 380 millions d'années.

Le musée est aussi pourvu d'un centre de recherche composé de trois salles de collection, de deux laboratoires de préparation, d'une salle de photographie et d'une salle de recherche. La collection principale, ou collection nationale, compte plus de 9000 poissons fossiles, jusqu'à 1000 spécimens de plantes et quelques dizaines de spécimens d'invertébrés. La collection stratigraphique contient quant à elle des milliers de spécimens fossiles qui permettent de reconstituer l'histoire de la Gaspésie et du Québec au fil des temps géologiques. La typothèque, enfin, a été conçue pour héberger tous les spécimens qui ont servi de référence dans des publications scientifiques.

À chaque été, des fouilles sont menées sur ce site fossilifère exceptionnel par l'équipe de recherche du parc. Elles visent à découvrir de nouveaux spécimens, voire de nouvelles espèces, et à mieux comprendre le paléoenvironnement de Miguasha. De plus, l'équipe de recherche collabore chaque année avec plusieurs paléontologues du monde entier qui font leurs recherches sur place ou empruntent des spécimens.

Le patrimoine géologique de Miguasha

Le parc national de Miguasha  s'étend sur une superficie de moins d'un kilomètre carré, sur une mince bande côtière de deux kilomètres, du côté ouest de la pointe de Miguasha, en Gaspésie. Cette pointe de terre vallonnée, séparant les eaux douces de la rivière Ristigouche des eaux salées de la baie des Chaleurs, est reconnue pour la beauté de ses paysages.

La falaise fossilifère de Miguasha et l'estuaire de la rivière Ristigouche

L'histoire géologique de la falaise de Miguasha est intimement liée à la formation des Appalaches qui s'est produite il y a près de 400 millions d'années, durant la période géologique du Dévonien (416 à 359 millions d'années). Le matériel de la falaise provient de l'érosion de ces montagnes jadis immenses. À l'époque, des sédiments étaient entraînés par les cours d'eaux et se déposaient, s'accumulaient et se compactaient dans un vaste paléoestuaire. Les poissons, les plantes et les invertébrés qui vivaient dans ou aux abords de cet estuaire, ont été intégrés à ce lent processus. Les couches sédimentaires et fossilifères, d'abord horizontales, ont depuis subi quelques déformations causées par l'effet des forces tectoniques sur la croûte terrestre. La formation géologique résultante a été appelée Formation d'Escuminac. Ses couches de grès et de roches argileuses sont exposées dans une falaise qui domine aujourd'hui d'une trentaine de mètres le niveau des eaux de l'estuaire actuel.  

Une seconde formation, la Formation de Fleurant, est aussi exposée à certains endroits de la falaise de Miguasha. Plus ancienne que la Formation d'Escuminac, et donc située en dessous, la Formation de Fleurant est un conglomérat, soit un assemblage de galets de diverses tailles consolidés par du sable. Cette formation correspondrait au lit d'une ancienne rivière à fort débit qui aurait précédé le paléoestuaire, aux eaux plus calmes.

Bien qu'elle ne soit pas comprise dans les limites du parc, la Formation de Bonaventure surprend par ses teintes rouges flamboyantes et ajoute au charme de la pointe de Miguasha. Cette formation exposée à de nombreux endroits de la falaise, ainsi qu'ailleurs sur la côte sud de la Gaspésie, est un conglomérat âgé de la période du Carbonifère (359 à 299 millions d'années). Sa couleur rouge, qui résulte de l'oxydation du fer contenu dans les sédiments, a donné son nom à Miguasha qui provient du terme micmac Megouasag signifiant «terre rouge» ou «falaise rouge».

 

Miguasha et le patrimoine scientifique québécois

Gravure d'un fossile

Pendant plus de 100 ans, soit de 1879 aux années 1980, jusqu'à 8000 fossiles ont été récoltés sur le site du parc actuel, puis étudiés dans diverses institutions muséales et universitaires du monde entier, où ils sont encore conservés. Des dizaines de publications importantes ont donc été écrites sur les fossiles de Miguasha par des scientifiques étrangers.

La création d'un parc de conservation, dans les années 1980, a permis de placer le site au cœur de la recherche au lieu d'être simplement l'endroit où l'on récoltait les spécimens. En effet, tous les fossiles étaient désormais conservés à Miguasha et les institutions étrangères (universités et musées) devaient collaborer avec l'équipe du parc pour y avoir accès. Cette nouvelle réalité est à la base de nombreuses collaborations internationales entre le parc et des chercheurs du monde entier, collaborations qui ont permis de former toute une génération de paléontologues québécois qui prennent enfin part à la recherche de façon active.

Il y a très peu d'universités au Canada où la paléontologie est étudiée. Au Québec, il n'existe que la chaire de recherche en paléontologie des vertébrés de l'université McGill. C'est pourquoi la plupart des paléontologues québécois ont été formés aux États-Unis et en Europe. Cependant, un projet en cours reposant sur un partenariat privilégié entre le Parc national de Miguasha et l'Université du Québec à Rimouski favorisera la recherche faite au Québec par des étudiants francophones. Une toute nouvelle génération de paléontologues est déjà en formation et fera en sorte que la recherche québécoise en paléontologie sera des plus dynamiques et diversifiées et pourra rayonner davantage au niveau international.

 

Les découvertes du site

Avant l'arrivée des premiers Européens au XVIIIe siècle, la pointe de Miguasha a été un lieu de passage pour les Micmacs, un peuple amérindien nomade qui fréquentait cette région. Ce sont les Britanniques qui, les premiers, s'établirent en permanence à Miguasha après la Conquête de 1760. Puis l'abolition du régime seigneurial en 1855 a favorisé l'établissement de nombreux Acadiens.

La première découverte de fossiles à Miguasha s'est produite en 1842 par le Dr Abraham Gesner, du Service de géologie du Nouveau Brunswick. Malgré une mention dans un rapport, cette découverte est toutefois tombée dans l'oubli. La renommée de Miguasha a plutôt débuté à la suite de la redécouverte du site en 1879 par Robert W. Ells, un géologue de la Commission géologique du Canada. Les premières fouilles organisées ont eu lieu au cours des années suivantes et les premiers écrits décrivant des fossiles de Miguasha ont été publiés entre 1880 et 1882. Suite à ces publications, de nombreuses équipes de scientifiques en provenance de l'Europe et des États-Unis sont venues récolter des milliers de spécimens qui sont aujourd'hui conservés dans des musées du monde entier.

 

Les collectionneurs locaux

Antoine Plourde et son fils Euclide sur la plage de Miguasha en 1937

Les premiers scientifiques venus effectuer des prélèvements étaient accueillis par des familles de Miguasha, notamment la famille Plourde. Antoine Plourde, âgé de 19 ans lors de la découverte de 1879, guidait les scientifiques étrangers vers les endroits les plus riches en fossiles de la falaise. Il a même reçu un groupe de scientifiques lors du XIIe Congrès géologique international de 1913. À cette occasion, il avait exposé, sur des tables dressées sur la plage, ses plus beaux spécimens qui se sont envolés comme de petits pains chauds ! Le fils d'Antoine, Euclide Plourde, avait lui aussi développée une passion pour la falaise et ses fossiles et participait aux fouilles avec les scientifiques.

Une autre famille, les Landry, offrait chambre et pension à un dollars par jour aux scientifiques de passage. Ils collaboraient aussi avec eux pour la recherche. C'est d'ailleurs M. Joseph Landry qui a vendu un des spécimens les plus exceptionnels de l'espèce Eusthenopteron foordi, aussi appelée le « prince de Miguasha », à l'équipe du Swedish Museum of Natural History de Stockholm (Suède). Ce spécimen conservé en trois dimensions, vendu en 1925 au coût de 50$, a été étudié pendant 25 ans et a permis plusieurs découvertes sur l'anatomie de l'espèce.

 

La découverte québécoise

René Bureau (droite) accompagné de Euclide Plourde (centre) et de son fils Ralph (gauche) vers 1963

Ce n'est qu'en 1937 que le site fut visité par des Québécois autres que les résidents de Miguasha, soit le père Léo-Georges Morin de l'Université de Montréal et l'abbé J.W. Laverdière de l'Université Laval de Québec, tous deux géologues. À leur arrivée à Miguasha, ils ont été intrigués par une affiche, «Fossils for sale», qui les a menés chez la famille Plourde. Les deux universitaires ont alors appris que le site était fréquenté chaque été par plusieurs scientifiques étrangers. Ils ont aussitôt informé les autorités gouvernementales de la province de Québec et René Bureau, alors technicien au Ministère des Mines, a été mandaté pour constituer la première collection québécoise de fossiles de Miguasha. Lors de ses expéditions, monsieur Bureau a pu compter sur l'aide de Joseph Landry, qui le logeait, et d'Euclide Plourde, qui lui servait d'assistant et de guide!

 

Les actions de protection et de mise en valeur, de 1937 à aujourd'hui

René Bureau a rapidement émis des recommandations concernant la conservation du site fossilifère de Miguasha. Toutefois, la Deuxième Guerre mondiale a vite changé les priorités du gouvernement. Monsieur Bureau a recommencé à faire pression sur l'État seulement dans les années 1960 pour que le site soit protégé. En 1972, des terrains bordant la falaise ont finalement été achetés grâce à une collaboration entre monsieur Bureau et le Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Puis, en 1975 et 1976, la gestion du site a été confiée à l'Université du Québec à Rimouski. Une équipe est alors venue récolter du matériel pour créer une collection. La gestion du site a ensuite été reprise par le ministère en 1977. À ce moment, Marius Arsenault, qui achevait une maîtrise en paléontologie, a été nommé chef d'une nouvelle équipe qui a récolté de nouveaux fossiles et a mis en place un centre d'interprétation. Le premier musée a ainsi ouvert ses portes en juin 1978 grâce à l'effort concerté de l'équipe de monsieur Arsenault, de René Bureau et d'un comité de citoyens. Dès lors, des visites guidées de l'exposition et de la falaise ont été offertes aux visiteurs. Visites qui sont depuis devenues une tradition et sont toujours offertes au public !

La plaque dévoilée en juillet 2000 pour souligner l'inscription du site sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO en décembre 1999

En 1985, les efforts concertés pour la création d'un parc de conservation ont finalement porté fruit, officialisant l'importance de ce site fossilifère dans le patrimoine naturel du Québec. Par la suite, en 1991, le musée a été agrandi et doté d'une première salle de collection officielle où l'on a rapatrié les fossiles prélevés à Miguasha depuis 1975 en un seul et même lieu. Cette même année, le VIIe Symposium international sur l'étude des vertébrés inférieurs, un évènement d'envergure internationale, a eu lieu dans le nouveau musée.

Il restait une autre étape majeure à franchir, soit l'inscription du parc sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette idée faisait son chemin depuis la fin des années 1970 car Marius Arsenault, directeur du parc de 1977 à 2003, a toujours été convaincu que le site méritait cet honneur. Il a d'ailleurs été  parmi les premiers à s'impliquer dans ce dossier. La création du parc de conservation était un pré requis crucial, mais il restait beaucoup de travail à faire et de gens à convaincre. Dans le processus d'inscription d'un site fossilifère, il est nécessaire de prouver objectivement qu'il est le meilleur site au monde par rapport à une période géologique donnée. Une vaste étude a donc été réalisée par deux paléontologues, le Dr Richard Cloutier, du Québec, et le Dr Hervé Lelièvre, de la France, pour comparer une quinzaine de sites fossilifères importants de la période du Dévonien, selon de nouveaux critères établis par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et l'UNESCO. Cette étude a permis de prouver que le site fossilifère de Miguasha se démarquait de tous les autres sites dévoniens. Ces efforts considérables ont permis l'inscription du parc national de Miguasha comme site naturel du Patrimoine mondial de l'UNESCO le 4 décembre 1999. Depuis, le parc et le musée ont continué de se développer et d'attirer de plus en plus de visiteurs. En 2007, l'une des premières personnes à avoir travaillé à la protection du site a été honorée lorsque la célèbre falaise fossilifère de Miguasha a officiellement été baptisée «Falaise René-Bureau».

Les efforts de protection amorcés dès 1937 ont contribué, ultimement, à préserver ce patrimoine naturel unique pour les générations actuelles et futures. La présente équipe du parc travaille toujours avec autant de passion afin de protéger et de mettre en valeur ce site exceptionnel, entres autres par la recherche, la mise à jour et l'amélioration du programme d'éducation offert aux quelque 24 000 visiteurs qui fréquentent le site annuellement.



Par France Charest
Coresponsable de la conservation et la recherche
Parc national de Miguasha

 

 

Bibliographie

Cloutier, Richard, Le parc de Miguasha : de l'eau à la terre, Beauport (Qc), Publications MNH, 2001, 143 p.

Cloutier, Richard, et Hervé Lelièvre, Étude comparative des sites fossilifères du Dévonien, Québec, Ministère de l'Environnement et de la Faune, 1998, 88 p.

Cournoyer, Raymond, Parc de Miguasha : le plan directeur, Québec, Ministère de l'Environnement et de la Faune, Direction des parcs québécois, 1998, 88 p.

Schultze, Hans-Peter, et Richard Cloutier (dir.), Devonian Fishes and Plants of Miguasha, Quebec, Canada, Munich, Verlag Dr. Friedrich Pfeil, 1996, 374 p.

Société des établissements de plein air du Québec, « Parc national de Miguasha : site naturel du patrimoine mondial », Parcs Québec [en ligne], http://www.sepaq.com/pq/mig/.

 

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