Québec, d'hier à aujourd'hui

Mise en lumière de l’arrondissement de la Cité à Québec

par Demers, Amélie

Le Château Frontenac

La nuit venue, la ville de Québec s’illumine. Sa mise en lumière s’inscrit dans une volonté nouvelle de faire de la cité nocturne un espace attractif. Plus qu’une simple stratégie d’éclairage, elle permet de mettre en valeur de manière originale le patrimoine de la capitale du Québec. Que ce soit l’architecture, ou les sites naturels, le Plan lumière de la ville de Québec incite à une redécouverte de particularités urbaines par la contemplation de tableaux lumineux. Pas à pas, l’individu est appelé à s’imprégner de l’atmosphère de chaque site.


Article available in English : The Illumination of the De la Cité Borough in Québec City

De l’éclairage fonctionnel à l’éclairage esthétique et patrimonial

La ville de Québec éclairée la nuit

Portés par un nouvel engouement pour l’électricité, c’est à la fin du XIXe siècle et au début du XXe que sont mis sur pied en Europe des projets d’illumination d’envergure, lors d’expositions universelles et coloniales (NOTE 1). Toutefois, ce n’est qu’avec l’éclairage de la tour Eiffel, en 1936, qu’émerge un intérêt pour la mise en scène éphémère de monuments au moyen de la lumière. Cependant, ce type de projet est alors de nature ponctuelle et ne s’insère pas encore dans une politique de développement urbain.

Au XXe siècle, le mouvement fonctionnaliste domine la planification urbaine et encourage les valeurs d’efficacité et de praticabilité des villes (NOTE 2). Cette orientation favorise la qualité de vie du milieu urbain et permet de faire de la nuit un espace sécuritaire, conditionné par les besoins des automobilistes et des passants. Toutefois, le début des années 1980 entraîne une nouvelle forme d’utilisation de l’éclairage, issue des techniques du monde du spectacle. Cet éclairage dit « qualitatif » s’inscrit davantage dans la recherche d’un esthétisme et d’une mise en valeur de la ville (NOTE 3). À compter de 1989, la ville de Lyon, en France, innove avec son Plan lumière et développe une expertise sans pareille qui fait de celle-ci une référence mondiale dans le domaine de la scénographie nocturne. Par la suite, la mise sur pied d’un plan lumière devient pour plusieurs villes un projet permettant de valoriser leur patrimoine et leur identité, tout en créant un espace nocturne attrayant.


Le Plan lumière de la ville de Québec

En 1997, la Commission de la capitale nationale du Québec a obtenu le mandat de doter la ville de Québec d’un plan lumière, dans la perspective des festivités du 400e anniversaire de la ville qui se sont déroulées en 2008 (NOTE 4). Cet organisme, mandataire du gouvernement du Québec et ses collaborateurs ont établi une liste de critères afin de baliser le choix des lieux et des édifices à éclairer. Les critères retenus sont les suivants : les éléments identitaires forts de la ville, les repères visuels, les objets patrimoniaux, les structures permanentes et reconnaissables, les espaces publics collectifs et, finalement, les édifices significatifs jouant un rôle prédominant dans la collectivité (NOTE 5). À ce jour, 16 projets se sont réalisés, dont 10 dans l’Arrondissement de la Cité, situé au cœur de la ville. Ainsi utilisée, la lumière possède la capacité de hiérarchiser l’espace urbain. Le choix d’éléments distinctifs rend lisible un espace construit, dont seuls les éléments possédant un intérêt particulier sont mis en évidence. La lumière devient ainsi à la fois l’expression d’une reconnaissance et le moyen permettant de mettre au-devant de la scène urbaine les éléments représentatifs de son identité (NOTE 6). La lumière modèle l’espace physique et attire l’attention de l’individu sur des éléments distinctifs. Elle permet également d’interpréter l’architecture et la structure de la ville par le choix de ce qui est éclairé, ou par la couleur utilisée, et souligne certains détails qui passent inaperçus le jour (NOTE 7).


Le cap Diamant

Le cap Diamant

Illuminée depuis le 3 décembre 2001, la falaise du cap Diamant éclairée par une lumière blanche en contre-plongée accentue la perception de l’escarpement et contribue à départager le secteur du petit Champlain de celui de la Terrasse Dufferin. Elle met ainsi en valeur, sans l’alourdir, cet élément naturel qui domine la Basse-ville. Elle rappelle également le rôle de forteresse naturelle de ce promontoire au sommet duquel Champlain a fait construire le fort Saint-Louis dès 1620 (NOTE 8).


Le Château Frontenac

Le Château Frontenac éclairé en hiver

La mise en lumière du Château Frontenac s’est amorcée le 31 décembre 1999 sous l’initiative de la chaîne d’hôtel Fairmont, propriétaire du Château, de la Commission de la capitale nationale du Québec et de Parcs Canada (NOTE 9). Cette illumination met en évidence l’architecture néo-gothique du bâtiment, particulièrement sa tour centrale fait de brique rouge surmontée d’un toit de cuivre oxydé. La situation stratégique du Château, ainsi que son aspect monumental, bénéficient de cet important impact visuel supplémentaire.


L’Édifice Price

L'Édifice Price

La mise en lumière de l’Édifice Price, plus récente, a été inaugurée le 18 juin 2008. La sélection de la couleur et le plan de la distribution lumineuse ont ici pour objectif de faire ressortir l’architecture de style Art-Déco de l’Édifice Price. Ainsi, l’éclairage met en valeur les différents éléments qui composent la structure, tels les pilastres, les pinacles en feuille de palmier et l’ouverture principale. Ce choix a pour effet de voiler la présence des murs de calcaire et de créer une impression de grande élévation. En outre, l’illumination du toit en cuivre s’inspire du rendu initial du matériau en proposant une variation de couleurs par modulation (NOTE 10).


L’Hôtel du parlement

Vue des niches sur la façade du Parlement

Mis en lumière le 13 juin 2000, l’Hôtel du parlement est un bon exemple de l’utilisation du clair-obscur dans les illuminations nocturnes. Celui-ci crée des zones d’ombre qui engendrent de la perspective et met en relief le volume de celles-ci. Au Parlement, le procédé se caractérise par une accentuation lumineuse des ouvertures, alors que les murs sont baignés d’une faible lueur provenant des lanternes. Cette stratégie invite l’observateur à diriger son attention sur les statues qui ornent la façade principale du bâtiment. L’accent est également mis sur le toit de l’édifice, dont l’aspect métallique est souligné (NOTE 11).


Les silos à grain (Bunge) du Vieux-Port de Québec

Les silos à grains du vieux port de Québec

La projection d’Aurora Borealis, qui a débuté le 31 décembre 2009, est une réalisation de l’artiste de la scène le plus connu de Québec, Robert Lepage, et de Martin Gagnon, avec la participation de la Commission de la capitale nationale du Québec. Si l’intention de départ n’était pas de mettre en évidence les éléments architecturaux des bâtiments, le projet y parvient néanmoins. La principale force de ce projet est d’utiliser la lumière pour simuler avec brio un phénomène naturel : les aurores boréales, grâce à des effets de composition, de mouvement, de couleur et d'images spectaculaires.


L’Église Notre-Dame-des-Victoires

L'Église Notre-Dame-des-Victoires

L’éclairage de l’église Notre-Dame-des-Victoires a été inauguré le 9 décembre 2008. Celui-ci expose tout particulièrement certaines de ses composantes architecturales de style néo-classique. Le choix des couleurs est dicté à la fois par les caractéristiques architecturales de l’édifice et par son symbolisme : « Diverses tonalités de lumière, allant du blanc au doré, rehaussent la sobriété des formes tout en soulignant plus particulièrement le portail, le clocher et les vitraux. Une lueur bleutée, filtrant à travers les deux oculus, rappelle la couleur qui ceinture les ouvertures et symbolise la Nouvelle- France. » (NOTE 12). Outre ces éléments, l’éclairage a aussi pour fonction de révéler ce qui est révolu car, sur le sol, celui-ci dessine l’ancien emplacement de l’habitation de Champlain, tout juste voisin de l’église actuelle.


La cour du Vieux Séminaire

Inaugurée le 16 novembre 2006, la cour du vieux séminaire est illuminée par des projecteurs encastrés dans le sol. Ceux-ci projettent une lumière blanche qui soulignent l’ondulé des murs de crépis blanc et révèlent le caractère massif de l’architecture du Régime français. Le regard est également attiré vers les vitraux de la chapelle et les clochetons des ailes de la procure du Séminaire et de la chapelle de l'Amérique-Française. C’est la simplicité même qui transparaît de la mise en lumière de ce site. De cette sobriété se dégage une atmosphère feutrée qui renforce l'impression de pérennité et de sérénité des lieux (NOTE 13).


Musée national des Beaux-Arts de Québec

Le pavillon Gérard-Morisset

L’illumination du musée national des Beaux-Arts a été inaugurée le 21 septembre 2001. Le concept qui est à la base du projet de mise en lumière du pavillon Gérard-Morisset consiste en un rappel de la vocation première du bâtiment. La nuit venue, le pavillon se transforme en un tableau lumineux qui met en évidence ses caractéristiques architecturales, telles les colonnes ioniques, les pilastres, les hauts-reliefs du fronton, de même que les bas-reliefs et les dés de la corniche réalisés par le sculpteur J.-Émile Brunet. Quant au pavillon Charles-Baillargé – l’ancienne prison de Québec transformée en un pavillon du Musée – les faisceaux lumineux qui éclairent ce bâtiment d’allure austère créent un effet âpre et mystérieux qui rappelle son ancienne vocation. Enfin, on projette à partir du Grand Hall qui unit les deux pavillons du Musée un puissant faisceau lumineux vertical qui rappelle l'importance de l'activité muséale dans la capitale (NOTE 14)


Un projet en construction qui répond aux impératifs du développement durable

Ces projets de mise en lumière contribuent à l'appropriation des lieux par le public. La lumière devient ainsi médiatrice. Elle favorise la diffusion d’un patrimoine choisi et propose une manière particulière de l’appréhender. Fort d’une quinzaine de lieux illuminés, le projet entend se poursuivre en tenant compte des enjeux du développement durable. Car les principes du Plan lumière sont d’éviter la surenchère dans la mise en lumière, qui engendrerait trop de pollution lumineuse. De plus, l’utilisation de la technologie aux diodes électroluminescentes (DEL), telle qu’utilisée dans le projet de l’Édifice Price, permet une économie substantielle d’énergie.


Amélie Demers

DESS en muséologie, Université Laval

Maîtrise en Ethnologie, Université Laval

 


NOTES

1. Johnny Cartier, Lumières sur la ville : l'aménagement et la ville nocturne, de la pratique professionnelle à l'usager, Vaulx-en-Velin (France), École nationale des travaux publics de l'État; Lyon, Aléas, 1998, p. 19.

2. Ibid., p. 21.

3. Sylvie Barriault, Réflexions sur le paysage nocturne : fonctions et applications de la mise en lumière urbaine, mémoire de maîtrise, Université Laval, Québec, 2002, f. 11.

4. Ibid., f. 84.

5. Pierre Larochelle et Geneviève Vachon, Éléments pour l’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement lumière pour la capitale nationale du Québec : étude sur le choix des lieux et des objets à mettre en lumière et sur l’établissement des priorités d’intervention, Québec, Université Laval, Faculté d'aménagement, d'architecture et des arts visuels, École d'architecture, 2003, p. 12-14.

6. Johnny Cartier, op. cit., p. 54.

7. Guy Ebrard et Pierre Arnaud, Tourisme et lumière : guide pratique de l'animation nocturne des villes, sites et monuments, Paris, Documentation française, 1998, p. 22.

8. Commission de la capitale nationale du Québec, « La mise en lumière du cap Diamant », Réalisations : mises en lumière [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/realisations/mises-lumiere/mise-en-lumiere-du-cap-diamant.html, consulté le 2 février 2010.

9. Commission de la capitale nationale du Québec, « La mise en lumière de l’hôtel Fairmont Le Château Frontenac », Réalisations : mises en lumière [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/realisations/mises-lumiere/mise-en-lumiere-de-l-hotel-fairmont.html, consulté le 2 février 2010.

10. Commission de la capitale nationale du Québec, « La mise en lumière de l’édifice Price », Réalisations : mises en lumière [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/realisations/mises-lumiere/mise-en-lumiere-de-l-edifice-price.html, consulté le 2 février 2010.

11. Québec, Assemblée nationale, « Spectaculaire mise en lumière des édifices parlementaires du Québec », Communiqués de presse [en ligne], http://www.assnat.qc.ca/fra/communiques/2000comm_92.htm, consulté le 2 février 2010.

12. Commission de la capitale nationale du Québec, Mise en lumière de l’église de Notre-Dame-des-Victoires [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/medias/projet/31_1_2008-12-09_Fiche-techniqueNDV.pdf, consulté le 2 février 2010.

13. Commission de la capitale nationale du Québec, « La mise en lumière de la cour du Vieux-Séminaire de Québec », Réalisations : mises en lumière [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/realisations/mises-lumiere/mise-en-lumiere-de-la-cour-du-vieux.html, consulté le 2 février 2010.

14. Commission de la capitale nationale du Québec, Mise en lumière du Musée du Québec [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/medias/pdf/realisations/musee-du-quebec.pdf, consulté le 2 février 2010.

 

BIBLIOGRAPHIE

Barriault, Sylvie, Réflexions sur le paysage nocturne : fonctions et applications de la mise en lumière urbaine, mémoire de maîtrise, Université Laval, Québec, 2002, 134 f.

Cartier, Johnny, Lumières sur la ville : l'aménagement et la ville nocturne, de la pratique professionnelle à l'usager, Vaulx-en-Velin (France), École nationale des travaux publics de l'État; Lyon, Aléas, 1998, 130 p.

Cauquelin, Anne, La ville, la nuit, Paris, Presses universitaires de France, 1977, 171 p.

Commission de la capitale nationale du Québec, « La mise en lumière de la cour du Vieux-Séminaire de Québec », Réalisations : mises en lumière [en ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/realisations/mises-lumiere/mise-en-lumiere-de-la-cour-du-vieux.html, consulté le 2 février 2010.

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Ebrard, Guy, et Pierre Arnaud, Tourisme et lumière : guide pratique de l'animation nocturne des villes, sites et monuments, Paris, Documentation française, 1998, 155 p.

Larochelle, Pierre, et Geneviève Vachon, Éléments pour l’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement lumière pour la capitale nationale du Québec : étude sur le choix des lieux et des objets à mettre en lumière et sur l’établissement des priorités d’intervention, Québec, Université Laval, Faculté d'aménagement, d'architecture et des arts visuels, École d'architecture, 2003, 101 p.

Québec, Assemblée nationale, « Spectaculaire mise en lumière des édifices parlementaires du Québec », Communiqués de presse [en ligne], http://www.assnat.qc.ca/fra/communiques/2000comm_92.htm, consulté le 2 février 2010.

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