La Champagne-Ardenne, terre de fondateurs de la Nouvelle-France
par Pizelle, Jean-Paul
Fait
remarquable, c’est de la Champagne-Ardenne que sont venus quelques-uns
des fondateurs les plus notables de l'Amérique française, en particulier pour Ville-Marie/Montréal.
Même si l'apport numérique a été modéré: environ 2,5% du total des habitants. A
peu près la même chose que la Bourgogne, un peu plus que la Franche-Comté et un
peu moins que la Lorraine, toutes des régions limitrophes. Rien d’anormal étant
donné sa position géographique éloignée de l'océan. Depuis l’an 2000, les
initiatives se multiplient dans l’ancienne province de Champagne, afin de
rappeler l’importante contribution de cette région à l’essor du fait français
en Amérique aux XVIIe et XVIIIe siècles.
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Les Amitiés Nord-Américaines de Champagne-Ardenne (ANACA)
La fédération des Amitiés Nord-Américaines de Champagne-Ardenne (ANACA), regroupant huit associations des quatre départements de cette région, a été créée en 1999 lorsque ses membres ont constaté que plusieurs fondateurs de la Nouvelle-France étaient nés en Champagne-Ardenne (NOTE 1). En l’an 2000, la première grande manifestation de la Fédération fut de faire circuler en Champagne-Ardenne et ailleurs en France une exposition intitulée « Montréal, fille de Champagne », proposée par le musée du Château Ramezay de Montréal.
Montréal, fille de Champagne
Ville-Marie/Montréal est née grâce à la volonté et à la ténacité d'audacieux pionniers champardennais. Paul de Chomedey de Maisonneuve, fondateur et premier gouverneur, est né à Neuville-sur-Vanne, près de Troyes. Jeanne Mance, maintenant reconnue également comme fondatrice (NOTE 2), est née à Langres, à une centaine de kilomètres de Troyes. Cette dernière est la ville d’origine de la première institutrice de Montréal, Marguerite Bourgeoys. Quant au premier sergent-major de la garnison de Montréal, Raphaël Lambert-Closse, il est aussi originaire de la région, plus précisément de Mogues, en Ardennes. Un autre personnage important des premières décennies de la Nouvelle-France, Jean Talon, qui a laissé une marque profonde sur la colonie en tant que premier intendant, est né à Châlons-en-Champagne. Enfin, Claude de Ramezay, gouverneur de Montréal de 1704 à 1724, est né à Lagesse, situé près de Troyes.
Plusieurs lieux de mémoire champardennais sont aujourd’hui dédiés à ces personnages hors du commun.
Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, fondateur et premier gouverneur de Montréal
Maisonneuve est né en 1612. Son village natal de Neuville-sur-Vanne compte trois plaques rappelant son lieu de naissance et de baptême ; plusieurs rues portent également son nom, tout comme à Troyes où il existe une avenue Chomedey de Maisonneuve. Un intéressant monument à sa gloire a été édifié en 1975. Un centre culturel Maisonneuve a été inauguré en 1997, dans lequel loge le Comité Chomedey de Maisonneuve. En mai de chaque année, une cérémonie a lieu pour célébrer la fondation de Montréal (survenue le 17 mai 1642) et en 2012, de grandes festivités se sont déroulées pour célébrer le 400e anniversaire de sa naissance. Issu d'une famille de petite noblesse champenoise, Maisonneuve aurait embrassé très jeune la carrière militaire. C'est en 1641 que Le Royer de La Dauversière, au nom de la Société de Notre-Dame de Montréal qu’il a créée pour fonder Ville-Marie, prend contact avec lui à Paris pour être le chef de l'expédition. Maisonneuve s'embarque depuis La Rochelle en juin 1641, après que La Dauversière lui ait fait rencontrer Jeanne Mance, qui deviendra son bras droit. En 1665, Maisonneuve sera "démissionné" par le lieutenant-général de la Nouvelle-France, Alexandre de Prouville de Tracy, et décèdera à Paris en 1676.
Jeanne Mance, fondatrice de Montréal et première infirmière laïque de l'Amérique du Nord
En créant l’Hôtel-Dieu de Montréal, Jeanne-Mance, née en 1606, est devenue la première "infirmière" laïque de l'Amérique du Nord. Cette femme d'exception, ni mariée, ni veuve, n'appartenant à aucun ordre religieux, est aussi reconnue depuis 2012 comme fondatrice de Ville-Marie/Montréal. Elle est partie de sa ville natale le 30 mai 1640 pour ne jamais y revenir (NOTE 3). À Langres, un seul lieu clairement identifié rappelle l'importance de cette pionnière : la place Jeanne-Mance inaugurée en 1954 à la demande du Comité Langres-Montréal, là où elle a été baptisée (NOTE 4). Une statue à sa mémoire a également été érigée sur cette place en 1968. Ce projet de statue avait été lancé dès 1935 par le chanoine Mulson, appuyé notamment par l’influente Société historique et archéologique de Langres, après qu’on ait trouvé son acte de naissance à l'hôtel de ville de Langres en 1932. Depuis 2013, on connaît la maison familiale de Jeanne Mance, située 11 rue Barbier d'Aucourt (anciennement rue de l'Homme Sauvage). Jusque-là on croyait que Jeanne Mance était née à Nogent, à une vingtaine de kilomètres de là (NOTE 5). De nombreuses dalles funéraires langroises rappellent aussi sa lutte contre la peste des années 1630.
Depuis 1965, l'association Langres-Montréal/Centre Culturel Jeanne-Mance est à l'origine de toutes les grandes manifestations liées à sa mémoire. En 2006, Langres a notamment fêté avec éclat le 400e anniversaire de la naissance de Jeanne Mance. Le premier film documentaire sur cette pionnière, La folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance, est sorti en 2010 grâce au travail acharné de la cinéaste langro-montréalaise Annabel Loyola. Le 17 mai 2012, jour du 370e anniversaire de la fondation de Montréal, le maire de Langres et le président de l'Association étaient présents à Montréal lors de la reconnaissance par la Ville du rôle de Jeanne Mance comme "...fondatrice de Montréal à l'égal du fondateur Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve.". En juin 2013, à Rome, le conseil des théologiens du Vatican a aussi émis à l’unanimité un avis favorable pour que Jeanne-Mance soit déclarée vénérable. Des manifestations conjointes Langres-Montréal sont déjà prévues pour 2017, année du 375e anniversaire de la fondation de Montréal.
Jeanne Mance est donc encore présente dans sa région natale, comme en font foi les pensionnat, lycée, centre médical et autre bâtiment qui portent aujourd’hui son nom. C’est beaucoup de lumières pour celle qui a passé la moitié de sa vie en Nouvelle-France, tout en modestie, et qui a légué son cœur à "ses" chers Montréalais.
Marguerite Bourgeoys, première institutrice de Montréal
Marguerite Bourgeoys, née en 1620, rayonne dans sa ville natale de Troyes. Des plaques rappellent sa mémoire à l'église Saint-Jean-au-Marché, lieu de son baptême, et au 26 de la rue Chrestien de Troyes, où elle a vécu entre 1644 et 1653. C’est cependant sans conteste la présence des religieuses de Notre-Dame du Canada, congrégation fondée par Marguerite Bourgeoys, qui constitue le témoignage le plus vivant. Depuis 1981, en effet, deux communautés se sont implantées à Troyes et à Estissac, à proximité. Cette congrégation anime le centre culturel Marguerite-Bourgeoys, ouvert en 1995, un centre chapeauté par le dynamique Comité Marguerite Bourgeoys créé en 1974. Actuellement, un projet d’érection de statue se développe afin de combler ce qui est ressenti comme une lacune, par rapport aux autres grands fondateurs champenois de la Nouvelle-France qui ont la leur.
Maisonneuve la fait venir à Montréal en 1653, lors de la « grande recrue », afin d’enseigner. L’une des sœurs du gouverneur connaissait bien les grandes qualités de Marguerite qui, de fait, fera des merveilles dans ce travail. La ferme Saint-Gabriel devient le point central de son activité. Sa compassion s’étend aussi bien aux enfants des colons français qu'aux Amérindiennes et aux Filles du Roy. Marguerite va revenir plusieurs fois en Champagne et, à chaque fois, ramènera de nouvelles vocations. Elle fonde les "Filles séculières de la Congrégation de Notre-Dame" dont les statuts sont approuvés par l'Eglise en 1698. C'est la première congrégation religieuse apostolique féminine non cloitrée de la Nouvelle-France.
En 1982, la canonisation de Marguerite Bourgeois a eu un très important retentissement auprès de la population de Troyes et du département de l'Aube. Marguerite Bourgeoys, première enseignante de Montréal et fondatrice d'une congrégation religieuse très importante dans l’histoire de l’éducation au Québec, a passé 47 ans de sa vie à Montréal, où elle est enterrée. C’est bien une Champenoise-phare de la colonisation française en Amérique du Nord.
Raphaël Lambert-Closse, sergent-major de la garnison de Ville-Marie
Raphaël Lambert-Closse, né vers 1618, est honoré dans son village natal de Mogues par le nom d'une rue et une plaque posée par la municipalité en 2003, actions initiées par les ANACA. On ne sait rien de sa jeunesse française. À Montréal, il s'est illustré comme sergent-major de la garnison et gouverneur intérimaire pendant les absences de Maisonneuve. Militaire de carrière, il est arrivé à Ville-Marie en 1647 et exerçait aussi les professions de notaire et de marchand. Il a été tué à Montréal le 6 février 1662 au cours d'un combat contre les Iroquois. Jeanne Mance s’est occupé avec beaucoup de chaleur de sa veuve et de sa filleule Jeanne-Cécile. A Montréal, il est représenté avec sa chienne Pilote sur le piédestal de la statue de Maisonneuve située sur la place d'Armes. La Relation des jésuites de 1662 en a fait un éloge funèbre conséquent, preuve de l’influence de Lambert-Closse, tant au niveau militaire que religieux (NOTE 6).
Jean Talon, premier intendant de la Nouvelle-France
La mémoire de Jean Talon, né en 1626, est bien mise en valeur à Châlons-en-Champagne : une plaque sur sa maison natale (17, rue du Lycée), un fragment de sa pierre tombale à la collégiale Notre-Dame-en-Vaux, son lieu d'inhumation, une rue et un lycée portent son nom. Enfin, depuis novembre 2004, une statue monumentale, œuvre de Juan Carlos Carrillo, trône au pied de la collégiale. Son cœur, suivant ses volontés, est déposé à l’abbaye de Toussaints à Châlons-en-Champagne avec ceux de ses frères Claude et Philippe, et celui de son père. L'association Les Amis de Jean Talon assure avec dynamisme la promotion de l'illustre intendant qui, entre 1665 et 1672, a donné une forte impulsion à la colonie (NOTE 7). En 2008, elle a organisé un important colloque sur le thème de « L’intendance aux sources de l’administration locale». La riche correspondance qu’il a entretenu avec Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV responsable des colonies, originaire de Reims, proche de Châlons-en-Champagne, constitue une précieuse source d’information. Ce personnage influent, souvent en contact avec Louis XIV, termina sa vie à Paris en 1694, mais il tint à être inhumé dans l'église de Notre-Dame-en-Vaux dans sa ville natale de Châlons-en-Champagne.
Claude de Ramezay, gouverneur-bâtisseur de Montréal
En 2000, à l'initiative de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, on a posé une plaque à la mémoire de Claude de Ramezay dans son village natal de Lagesse. À Montréal, signalons que sa prestigieuse résidence est devenu un important musée du Vieux-Montréal, en face de l'hôtel de ville. Issu d'une famille écossaise établie en Champagne depuis au moins le début du XVIe siècle, Ramezay avait hérité du titre de seigneur de Lagesse, Montigny et Boisfleurant (Aube). Il conserva jusqu'à sa mort ses titres et biens afférents. En 1683, il était lieutenant de la Compagnie de Troyes des troupes de la marine. Il arrive en Nouvelle-France en 1685. Cinq ans plus tard, il est nommé gouverneur de Trois-Rivières, un poste qu'il quitte en 1699 pour commander les troupes de la Nouvelle-France. C'est en 1704 qu'il est nommé gouverneur de Montréal, fonction qu'il occupe jusqu'à sa mort survenue en 1724. Pendant son mandat, il améliore les fortifications de Montréal et construit plusieurs bâtiments civils.
Paul Le Jeune, fondateur des Relations des jésuites
Paul Le Jeune, né en 1592 à Vitry-le-François (à 30 kilomètres de Châlons-en-Champagne), a séjourné en Nouvelle-France de 1632 à 1649. Né dans une famille calviniste, il se destinait au métier de secrétaire au service des autorités royales, quand, à 16 ans, suite à la mort de son père, il s’intéresse à l’Évangile. Six ans plus tard, il entre au noviciat des jésuites de Paris. Il complète sa formation au collège Henri IV de La Flèche, où il rencontre plusieurs missionnaires et des personnalités qui s'intéressent aux missions en Nouvelle-France. En 1631, alors qu’il est prédicateur à la résidence des jésuites à Dieppe on le nomme Supérieur général de la mission au Canada, lui qui n’entrevoyait nullement une carrière outre-Atlantique. Quand il arrive en Nouvelle-France, qui vient d’être rétrocédée aux Français, la colonie naissante est dans un véritable état de délabrement. Le Jeune redresse la situation tout en étant très actif auprès des Amérindiens. Il identifie le potentiel de Montréal et se montre favorable à sa fondation. Supérieur des jésuites de la colonie de 1632 à 1639, il inaugure aussi la pratique de rédiger des Relations de ce qui s'est passé en la Nouvelle France, qu’il envoie chaque année à ses supérieurs, en France. Il revient dans la mère-patrie en 1649, où il occupera la fonction de procureur des missions de la Nouvelle-France jusqu’en 1662. Il est décédé deux ans plus tard à l’âge de 73 ans.
Les Relations des jésuites, qui couvrent la période 1632-1672, constituent l’une des principales sources d’information sur la colonie au XVIIe siècle. Elles sont l’objet d’un intérêt renouvelé depuis les années 1980. Cette vitrine de l’entreprise missionnaire qui, à l’époque, était destinée à un lectorat dévot et lettré, intéresse aujourd’hui aussi bien les historiens que les ethnographes et se prête à des approches croisées. Ces Relations diffusées en Champagne expliquent, en partie, la vocation de plusieurs pionniers champardennais.
Malgré son importance historique, Paul Le Jeune ne bénéficie d’aucune manifestation commémorative, ni à Vitry-le-François, ni ailleurs en Champagne.
La Champagne-Ardenne, terre de fondateurs d'exception
Ces sept fondateurs justifient la déclaration de 1653 de Maisonneuve, rapportée par Dollier de Casson, premier historien de Montréal : "...notre Champagne qui semble vouloir donner à ce lieu plus que toutes les autres provinces ensemble." (NOTE 8).
De ces sept personnages, cinq sont restés célibataires. Ce fait, exceptionnel par rapport aux apports d'autres régions de France, s'explique principalement par une très forte implication pour l'action missionnaire, de la part de Maisonneuve, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys et Paul Le Jeune. Le cas de l’intendant Talon relève davantage d’un choix personnel. La proportion de deux femmes pour cinq hommes ne surprend pas. À cette époque, plus d'hommes s’engagent dans cette aventure périlleuse et les femmes ont moins de latitude pour jouer un premier rôle. Rappelons le cas, sans doute unique au XVIIe, en Amérique française, de Jeanne Mance qui part célibataire, sans être ni veuve, ni religieuse, et le demeure à Montréal, tout en accomplissant une œuvre considérable.
Si aucun ne se connaissait avant de partir, quatre d’entre eux ont étroitement collaboré à la fondation et au premier développement de Montréal. Partager leurs souvenirs de la pétillante Champagne les a vraisemblablement aidés, mais c’est surtout leur formidable volonté de réussir leur mission, qui consistait à bâtir une nouvelle France, dans un milieu difficile à apprivoiser, qui a été le moteur de leur œuvre mémorable. Si la migration champardennais n'a pas été remarquable par la quantité, elle l’a indiscutablement été par la qualité, surtout au XVIIe siècle. Aujourd’hui, la Champagne se souvient de l’influence de ces figures de proue.
Jean-Paul Pizelle
Professeur d'histoire-géographie honoraire
Président de l'Association Langres-Montréal-Québec/Centre culturel Jeanne-Mance
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Notes
1. Sur près de 11 000 migrants recensés dans la collection Ces villes et villages de France, berceau de l'Amérique française (voir bibliographie ci-dessous) la Champagne-Ardenne en recense 275 avec, sur l'ensemble français, 1,4% de soldats/marins, 2,9% de notables, 5,4% de religieux, 4,8% de gens de métier et 3,6 % de filles du Roy.
2. Le 17 mai 2012, le conseil municipal de la Ville de Montréal a reconnu Jeanne Mance comme "fondatrice de Montréal à l'égal du fondateur Paul de Chomedey de Maisonneuve", suite à un travail d'experts mené par l'historien Jacques Lacoursière. Elle était le bras droit de Maisonneuve et a tout particulièrement joué les rôles d’économe et d’infirmière.
3. Ce non retour à Langres, malgré trois voyages en France, s'explique largement par une famille très amputée. Avant son départ, elle avait perdu son père et sa mère, ainsi que nombre de ses onze frères et sœurs, décimés par les maladies, à l'exception de sa sœur ainée Marguerite. Celle-ci résidait à Paris et Jeanne y séjourna lors de ses missions de 1650 et 1658. A cette époque, sa résidence était à St-Germain-des-Près, contre le couvent du noviciat des jésuites.
4. À noter que cette statue est issue d’une collaboration d’un Comité Montréal-Langres et de l’association Langres-Montréal nés l'un et l'autre en 1965 ; l’essentiel de la dépense a été couverte par des amis de l’Hôtel-Dieu de Montréal.
5. Sur la foi du sulpicien Etienne-Michel Faillon et de son livre publié en 1854 Vie de Melle Mance et Histoire de l'Hôtel-Dieu de Ville-Marie dans l'ile de Montréal, en Canada.
6. Citation le concernant tirée du Dictionnaire biographique du Canada, volume 1, article de Marie-Claire Daveluy sur Jeanne Mance: « C'estoit un homme dont la pieté ne cedoit en rien à la vaillance, & qui avoit une presence d’esprit tout à fait rare dans la chaleur des combats […] & a justement merité la louange d’avoir sauvé Montréal & par son bras, & par sa reputation; de sorte qu’on a jugé à propos de tenir sa mort cachée aux ennemis, de peur qu’ils n’en tirassent de l’avantage. Nous dedions cet Eloge à sa Memoire, puis que Montreal luy doit la vie. »
7. C'est en particulier Jean Talon qui sera à l'origine des "Filles du Roy" pour le peuplement de la colonie. Ces désirs étaient d'ailleurs précis: il réclame des maîtresses femmes capables d'abattre un travail rude et jolies par surcroît.
8. Dollier de Casson, François, p.91, Histoire du Montréal de 1640 à 1672, 1992, Montréal, les éditions 101 Rnr, p. 91.
Bibliographie
Chapais, Thomas, Jean Talon intendant de la Nouvelle-France, Québec, 1904, 540 p.
Commission Franco-québécoise sur les Lieux de Mémoire Communs/Association France-Québec, Ces villes et villages de France, berceau de l'Amérique Française, Tome 1, Champagne-Ardenne/Alsace/Lorraine, Paris, 2009, 214 p.
Coton, Denis, Marguerite Bourgeoys de Troyes à Montréal (1620-1700), Troyes, La Maison du Boulanger, 2001, 235 p.
Cousin, Jacques, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, fondateur et premier gouverneur de Montréal, Evry, La Lucarne ovale, 1992, 48 p.
Daveluy, Marie-Claire, Jeanne Mance (1606-1673), 2e édition, Montréal, Fides,1962, 418 p.
Deroy-Pineau, Françoise, Jeanne Mance de Langres à Montréal, la passion de soigner, Montréal, Bellarmin, 1995, 167 p. p.
Desrosiers, Léo-Paul, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, Montréal, Fides, 1967, 320 p.
Faupin, Hervé, Nouvelle-France. La courageuse épopée champenoise. Contributions des Champenois au développement du Canada, Langres, D. Guéniot, 2003, 256 p.
Les Français à la découverte des Premières Nations en Nouvelle-France, 1534-1701, dans les Actes du colloque de Langres (22-25 mai 2002), Langres, Langres-Montréal/ SHAL, 2004, 240 p.
Montréal, fille de Champagne, dans la revue La vie en Champagne ,Troyes, avril/juin 2000,
66 p.
Filmographie
La folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance, documentaire d'Annabel Loyola, Montréal, 2010